14 Mars 2014
Les avocats du sénateur Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement de libération (MLC) jugé à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye depuis novembre 2010 pour « les meurtres, viols et pillages » qu’auraient commis ses troupes invitées par Ange Patassé
alors président de la RCA durant le conflit armé de 2002-2003, ont souhaité « identifier le témoin anonyme » accusant leur client de subornation de témoins.
Dans un document du 20 février 2014 remis au juge unique Cuno Tarfusser, Me Nicholas Kaufman a exprimé aux juges le « besoin de contacter et d’interroger cette personne afin de vérifier la véracité des informations qu’elle a fournies » au procureur de la CPI, selon lesquelles l’accusé « subornait des témoins ».
Arguant que « les actes de l’informateur pourraient avoir des motifs politiques ou qu’il avait pu être mis en relation avec des témoins qui témoigneront à charge », l’avocat de Jean-Pierre Bemba pense qu’« il est fort probable que l’informateur anonyme possède des informations qui pourraient disculper le suspect ».
« Le mois dernier, les avocats de M. Bemba ont écrit au procureur pour demander le nom sous lequel l’informateur s’était identifié, l’adresse e-mail qu’il utilisait ainsi que les adresses Internet Protocol (IP) depuis lesquelles les e-mails avaient été envoyés », rapporte une source proche de la CPI.
A titre subsidiaire, Me Kaufman a « sollicité la divulgation d’une version rédigée des e-mails échangés entre l’informateur et l’équipe de l’accusation ».
« Les informations demandées font partie des documents servant à la préparation de la plaidoirie de la défense et à l’établissement de la vérité. Découvrir la nature exacte des échanges par e-mail entre l’informateur et le procureur permettra au suspect d’évaluer de manière indépendante si toutes les circonstances atténuantes ont été examinées et ont fait l’objet d’une enquête », a-t-il soutenu.
Par ailleurs, a-t-il souligné, « puisqu’un juge avait récemment accédé à la demande de l’accusation d’obtenir des informations sur un compte géré au nom de M. Bemba au centre de détention pour permettre leurs enquêtes, la défense demande maintenant que le juge unique accorde une latitude d’investigation équivalente au suspect ».
Dans un précédent document déposé le 12 février 2014, les avocats de Jean-Pierre Bemba ont demandé aux juges d’« interdire aux procureurs de contacter les témoins qui ont déposé en faveur » de leur client afin de « garantir la sûreté et la sécurité des personnes, notamment de celles +qui avaient servi lors d’opérations extrêmement sensibles+ ».
« Si le procureur contactait les témoins et leur demandait s’ils avaient menti lors de leur témoignage, cela pourrait semer de la confusion et susciter de la peur chez des personnes qui auraient compris que leur association avec la Cour était terminée », avaient-ils argumenté.
Selon l’avocat principal de la défense Peter Haynes, « ces témoins ont également été préalablement informés du fait qu’ils n’avaient aucune obligation de rencontrer les procureurs et de leur parler et qu’aucun contact ne pouvait être établi sans leur consentement ».
« En novembre 2013, des charges de subornation et de coaching de témoins ont été portées à l’encontre de M. Bemba, de son avocat principal à l’époque, Aimé Kilolo-Musamba, et de son chargé de la gestion des dossiers, Jean-Jacques Mangenda Kabongo. Narcisse Arido, un témoin de la défense, et Fidèle Babala Wandu, un membre du parlement congolais ont également été accusés », rappelle la source.
Elle signale que « les enquêtes sur les crimes présumés ont commencé en mai 2013 après que l’informateur ait fournit anonymement au procureur des informations +vérifiables+ sur des transferts d’argent effectués par les avocats de M. Bemba en faveur de témoins ».
Le procureur rejette les deux demandes de la défense
Au motif que « les informations fournies par l’informateur ne pouvaient être considérées directement ou indirectement comme un élément de preuve dans la nouvelle procédure engagée contre M. Bemba », le procureur de la CPI a rejeté les deux demandes de la défense.
« Etant donné que M. Bemba et son co-accusé ont déjà comparu une première fois devant le juge de la mise en état Cuno Tarfusser, les procureurs et la défense ont déposé des éléments de preuve et des demandes qui seront utilisées par le juge pour rendre sa décision portant sur la confirmation des chefs d’accusation », rapporte la même source.
C’est le lundi 3 mars 2014, au plus tard, que les équipes de défense des autres suspects devaient déposer leurs réponses aux demandes des avocats de Jean-Pierre Bemba, conformément aux instructions du juge de la mise en état Cuno Tarfusser.