15 Novembre 2009
A 15 ans, Marthe a été kidnappée par des rebelles pour être esclave sexuelle. Depuis deux semaines, elle est arrivée à l'hôpital de Panzi à Bukavu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), où elle tente de reprendre goût à la vie.
Marthe (ndlr: les prénoms ont été modifiés) est arrivée de la brousse enceinte de de six semaines. Ses bourreaux, des rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qui écument l'est de la RDC depuis une décennie, l'avaient enlevée en mars lors d'un raid meurtrier dans son village.
Pendant six mois, elle a servi d'esclave sexuelle aux deux principaux chefs de la bande. Fin octobre, elle a profité d'un moment d'inattention de ses gardes pour s'échapper. En représailles, les rebelles sont repartis dans son village et ont tué sa mère.
A l'hôpital de Panzi à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu, Marthe a été recueillie, comme une centaine d'autres pensionnaires aux histoires similaires.
Ce centre a été fondé en 1999 par le docteur Denis Mugweke, gynécologue devenu célèbre dans la région pour avoir fait du traitement des victimes de violences sexuelles sa spécialité. Son nom a circulé en 2008 et 2009 comme possible prix Nobel de la paix.
Dans l'arrière-cour de son hôpital réservée aux femmes victimes de violences sexuelles - 5.000 en moyenne chaque année - Marthe attend désormais la naissance de son premier enfant, dont elle ne connaîtra certainement jamais le père.
"J'ai été bien accueillie ici. On me donne des médicaments et je vais accoucher gratuitement", dit-elle, la tête basse, d'une voix à peine audible.
Marie, une autre pensionnaire de 13 ans, mais qui paraît en avoir 20, est l'une des "doyennes" de ce centre de santé. Elle y a été recueillie lorsqu'elle avait huit ans.
"Elle était agonisante à son arrivée ici. Son village venait d'être rasé et elle-même avait été violée par une dizaine d'hommes", raconte à l'AFP Me Thérèse Kulungu, avocate des victimes au sein de l'hôpital.
Guérie aujourd'hui de son traumatisme, Marie apprend à tricoter pour survivre, en plus de la prise en charge sociale et économique dont elle bénéficie comme ses congénères.
Dans l'une des deux salles postopératoires, séjourne Grâce, une victime de 12 ans. Kidnappée à sept ans, séquestrée, violée pendant plusieurs mois, sa partie génitale et son orifice anal ont dû être recousus.
En lieu et place, les chirurgiens lui ont mis une poche en plastique sur le ventre pour recueillir ses selles et son urine.
"Il y a des croyances selon lesquelles les viols de mineurs procurent la richesse ou guérissent du sida", explique Me Kulungu. Mais paradoxalement, "lorsqu'une femme est violée, elle est bannie selon la coutume", ajoute-elle.
A l'hôpital de Panzi - qui vit grâce à des donateurs - les victimes peuvent décider d'intenter des actions en justice contre leurs bourreaux, pour celles qui parviennent à les identifier.
"A ce jour, nous avons 54 dossiers au niveau du parquet" de Bukavu, affirme l'avocate, également membre de la section juridique du centre qui existe depuis avril.
En plus de l'assistance juridique gratuite, la section accompagne les plaignantes jusqu'à la fin du processus judiciaire.
Marie, elle, semble plutôt préoccupée par la naissance de son enfant dans trois mois. Lui aussi sera pris en charge dans la garderie de l'hôpital, où une vingtaines "d'enfants FDLR" s'amusent gaiement à l'air libre.
AFP