19 Décembre 2009
AFRIQUE REDACTION | CONFLIT | RDC | SAMEDI 19-12-2009 | 12H50
Une note interne de la Monuc (Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo) intitulée «Resurgence of CNDP» du 8 décembre 2009 à 17h50, qui circule sur l’Internet, signale une réunion de toutes les personnalités importantes du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) programmée le mardi 8 décembre 2009 à Mushake. L’ordre du jour de la réunion concernait «la proclamation d’une nouvelle république, la République des Volcans». Le CNDP bénéficierait- il de la complicité de la Mission des Nations Unies au Congo (Monuc)? Quelle est la part de responsabilité des autorités de Kinshasa dans ce processus de «balkanisation» de la RDC?
Dans une lettre datée du 12 novembre, Jérôme Mashagiro Nzeyi, l’administrateur désigné du CNDP à Masisi, a convié les membres importants de son mouvement politico-militaire à une réunion prévue à Mushake le mardi 8 décembre 2009. À côté du Général Bosco Ntanganda (qui est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale) et des dignitaires de l’aile politico-militaire du CNDP, sont également invités le Secrétaire Exécutif du CNDP à Goma, le Commandant des Forces Armées de la RD Congo (FARDC) à Mushake, le Commandant de la Police Nationale Congolaise (PNC), les chefs des localités et des groupements, le responsable de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) à Masisi et à Mushake. Il est important de signaler que l’invitation était également adressée aux agences de presse dont Radio Okapi, partenaire de la Monuc.
Le sujet de cette réunion concernait «la proclamation d’une nouvelle république, la République des Volcans», laquelle comprendra les territoires de Masisi et Rutshuru, en y incluant les localités de Ngungu, Masisi, Mushake, Kitchanga, Kilolirwe, Rutshuru et Nyamilima.
La note interne de la Monuc fait deux évaluations: d’une part, elle affirme que cette région pourrait être déstabilisée si cette proclamation avait lieu et, d’autre part, que le gouvernement de Kinshasa rejetterait toute création d’une nouvelle république. Et d’ajouter: Kinshasa est informée de l’administration parallèle du CNDP dans la région.
Quant aux dispositions prises pour parer à toute éventualité, la note interne soutient que tout a été mis en alerte rouge. Les «COB» et «TOB» déployées dans cette région sont prêtes à intervenir. Et la note de conclure que l’autorité supérieure des FARDC a été informée de cette situation et conseillée à ce sujet.
À la lecture de cette note circulaire, comme universitaire congolais et surtout par amour de la patrie, nous ne pouvons garder le silence. Si effectivement une telle invitation a eu lieu et que la réunion a pu se dérouler comme prévu en ayant à l’ordre du jour la création d’une nouvelle république sur le territoire de la RDC, hérité de l’indépendance du 30 juin 1960, il n’y a pas d’autres mots pour qualifier cet acte que la «haute trahison». Ayant pris connaissance de l’objectif du CNDP, pourquoi la Monuc n’a-t-elle pas publié un communiqué de presse sur cette question?
Nous continuons de nous poser la question: qu’est venue faire la Monuc en RDC si elle ne maintient pas la paix et ne protège pas la population? À tort ou en raison, la population avait accusé la Monuc d’intelligence avec la LRA (Lord’s Resistance Army). On se rappellera que le 25 septembre 2008, les habitants de Dungu (Province orientale) étaient descendus dans la rue pour protester contre la passivité de la Monuc face aux attaques de la LRA. Les manifestants avaient pillé la résidence des observateurs militaires de la Monuc.
Au moment atroce des attaques de la LRA dans le territoire de Faradje, nous avons écrit dans un article du 11 janvier 2009 que la Monuc devait déployer les soldats de la paix dans cette région. Or ce n’est que le 17 juin que la Monuc a envoyé un contingent marocain à Faradje. Ces soldats de la paix s’enfermaient dans leur camp à côté de la piste d’aviation. S’ils sortaient, ce n’était que pour faire leurs achats, alors qu’à quelques kilomètres de là, la LRA massacrait et enlevait des enfants. Ce n’est que maintenant, alors que la situation commence un peu à se calmer, que les soldats de la paix se réveillent et effectuent des patrouilles. Paradoxalement, face à la situation d’insécurité qui prévaut dans la Province de l’Équateur depuis fin octobre, la Monuc n’a pas tardé à apporter son soutien aux FARDC et à la PNC. Pourquoi deux poids deux mesures pour une situation où des assassinats sont commis et où la population civile est en danger?
Si le gouvernement de Kinshasa est informé d’une probable création d’une nouvelle république sur le territoire de la RDC, pourquoi n’existe-t-il pas une prise de position officielle et publique sur cette question? Faudra-t-il attendre que cette balkanisation de la RDC soit effective et n’agir qu’ensuite comme le suggère la note interne de la Monuc? Gouverner ne signifie-t-il pas savoir agir en amont des événements? Où sont les honorables parlementaires de la RDC et que font-ils?
La situation d’insécurité dans l’est de la RDC est provoquée, selon les observateurs avisés, dans le but de balkaniser le Congo démocratique et d’exploiter illégalement ses matières premières, notamment l’or, le cobalt, le diamant, le pétrole, le gaz, le colombium tantalite (coltan). Rappelons que le coltan est un minerai rare et cher indispensable à la production des téléphones mobiles et de certains ordinateurs ainsi qu’à d’autres industries de pointe. Il est notamment utilisé dans l’industrie aéronautique et électronique. Le cobalt est également indispensable à l’industrie nucléaire, chimique et à celle de l’aviation.
Toute analyse sur la géopolitique en République Démocratique du Congo ne sera que poudre aux yeux si le peuple congolais ne parvient pas à comprendre les raisons des crimes organisés et perpétrés dans son pays avec la complicité de certaines multinationales et de certains Congolais eux-mêmes.
Dr. Jean-Bertrand Madragule Badi, chercheur et président de l’Ong Adebes,Courriel: Ong.Adebes@gmx. de
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