10 Décembre 2009
Edito (Les Coulisses n°209)
Dix, quinze … Au Kivu et en Ituri, les groupes armés naissent, meurent et ressuscitent l’espace d’un accord avec le gouvernement central.
Insécurité généralisée et violence, armée ne faiblissent pas. Et la confusion des dénominations persiste.
Ils sont appelés indistinctement : groupes armés quand le gouvernement les cajole, milices armées et ethniques quand ils font fâcher le gouvernement. Maï Maï quand ils se disent « patriotes » qui défendent l’intégrité du territoire congolais et forces négatives quand c’est la Communauté internationale qui s’apitoie sur le Rwanda et l’Ouganda. Toutes ces forces armées qui sèment la mort et la désolation, à l’appellation mal contrôlée, opèrent impunément. Et le gouvernement central, comme tourné en bourrique, n’agit que par des menaces improductives et ne réagit que par des communiqués de presse lus sur Radio Okapi.
Dix quinze groupes armés déclarent prendre les armes pour donner la paix et la justice, la réconciliation et la stabilité aux Congolais, en lieu et place de l’Etat. Parce que le gouvernement central est moins actif.
La faiblesse du gouvernement central se manifeste à deux niveaux.
Primo, la confusion des dénominations.
Confucius enseignait que si les dénominations ne sont pas correctes, si elles ne correspondent pas aux réalités, le langage (de la menace) est sans objet. Et quand le langage est sans objet, l’action elle-même devient impossible. Tout comme il devient impossible et vain de gérer.
Secundo, la traque des forces négatives.
La traque comme le déclare l’Archevêque F.X. Maroy devait répondre d’une méthode et d’un but.
Il semble urgent de redéfinir les notions des groupes armés avant toute négociation et revoir les stratégies de la traque des groupes armés étrangers. Autrement, l’Etat congolais restera pour longtemps le dindon de la farce. L’incertitude, dit-on, est fondamentalement subversive.
La poudrière du Kivu : ça va cracher du feu
La Coalition du Peuple Congolais (CPC) est une milice en gestation dans le Nord-Kivu qui, officiellement et superficiellement, regroupe toutes les ethnies du Nord-Kivu. Sa mission première est de lutter pour rompre le cordon ombilical qui lie l’Est de la RDCongo à l’ensemble du pays. C’est une sorte de balkanisation programmée du Congo. Les raisons avancées sont entre autre l’échec de la décentralisation, partant du refus de Kinshasa de fédérer la république. Les recettes générées par les provinces sont détournées par Kinshasa, malgré la fameuse rétrocession. Le commerce et les échanges commerciaux sont plus faciles et plus rentables avec l’Afrique (anglophone) de l’Est qu’avec Kinshasa. L’accaparement des richesses de l’Est du Congo par Kinshasa à travers des contrats léonins des multinationales qui ne bénéficient jamais aux populations locales.
La CPC regorge les grandes figures de toutes les ethnies du Nord-Kivu et certains du Sud-Kivu et tient des réunions clandestines.
L’APCLS, essentiellement hunde et dirigée par le général Janvier Bwingo Karahiri a installé son Quartier Général à Lukweti dans le Masisi. L’une de grandes revendications qui fait son cheval de bataille est le refus de voir les réfugiés rwandais gagner le territoire de Masisi. Elle dénonce la présence des éléments du RPA (armée rwandaise) au Congo dans les opérations conjointes Kimia contre les FDLR. Elle estime que « le Congo doit se gérer seul ». Kimia I et II ne serait que ratissage d’autres ethnies par des militaires venus du Rwanda.
Dans leurs revendications, ils réclament la réhabilitation de vrais chefs coutumiers dans le Masisi, les actuels étant des occupants illégaux. Cette réhabilitation devra se faire accompagner par le recensement et la suspension des titres fonciers octroyés depuis l’entrée de l’AFDL à ce jour de façon abusive (pâturage, bien privés …). Enfin, à la Belgique, l’APCLS exige la restitution des terres données aux Rwandais aux autochtones.
Pour ce mouvement rebelle, la présence des FARDC est invisible dans les opérations Kimia et les soldats issus du CNDP exterminent leur cible traditionnelle qui sont les Bahunde, écrasent les autres ethnies pour installer les réfugiés.
Guma ino (en kinyarwanda) signifie « Restez ici ». Cette milice armée par le Rwanda, dit-on, opère dans le Sud-Kivu dans les hauts plateaux de Minembwe. Elle s’active contre les FDLR et contre tous ceux qui ne veulent pas reconnaître leur identité. Selon elle, si les Banyamulenge ont perdu un pied (au Burundi), ils devront garder un autre pied.
Elle se prépare à accueillir les réfugiés qui traînent au Burundi.
Feu de brousse de Rutshuru à Bunia
L’Ouganda lance de nouvelles rébellions congolaises
Rébellions dans le Rutshuru en gestation composée des jeunes de Rutshuru, Kiwanja, Nyamilima. Rébellion dans le grand nord où l’on parle d’un éventuel feu de brousse dans le Nord-Kivu : l’embrassement.
Les nouveaux « libérateurs » de Rutshuru auraient reçu leur brevet après une formation à Teko (colline de Keshero/Pimbo) au pied de la montagne de Kabuka surplombant l’Ouganda mardi 10 novembre 2009. Près d’un bataillon a terminé la formation et doté de 136 armes devant un colonel de l’UPDF (Ouganda).
Un autre groupe armé reçoit une formation à la ferme de Donati (Nyamiliama/Buramba) près de la frontière avec l’Ouganda. La rébellion de Rutshuru bénéficie de la couverture et de la complicité des chefs de groupement de Binza (sieur Majuta) et de Busanza (sieur Sabususa qui a son Pareco propre). Rébellion dans le Rutshuru. Rébellion dans le Grand nord. Derrière les deux mouvements une main ougandaise.
Le FPJC New look aurait tenu sa réunion à Kayanza (Ouganda) du 28 au 29 novembre 2009, au bord du lac Edouard. Les participants sont venus du Grand nord (Beni-Lubero) et de l’Ituri. Cette réunion avait été supervisée par un colonel ougandais de l’UPDF. Les participants ont parlé du mode de ravitaillement des troupes et des moyens de déplacement et d’une possible offensive généralisée depuis le Grand nord jusqu’en Ituri. Les participants armés réclament l’organisation d’une conférence sur la paix pour l’ancienne province d’Irumu (Grand nord – Ituri).
D’où la question : à quel jeu joue l’Ouganda ?
Les Coulisses