14 Décembre 2009
AFRIQUE REDACTION | SOCIETE | LUNDI 14-12-2009 | 09H35
Alors qu’il lance aujourd’hui son grand emprunt, le Président déçoit en matière économique selon notre sondage. Même si la France tire son épingle de la crise…
Nicolas Sarkozy au sommet préparatoire de l'UE du Sommet sur le climat de Copenhague le 11 décembre 2009. (© AFP Georges Gobet)
Quels ingrats ces Français ! Nicolas Sarkozy a beau leur expliquer, non sans raison, que, face à la crise, le pays s’en sort relativement mieux que ses principaux partenaires, ils n’en croient pas un mot. Notre enquête Viavoice (1) est même d’une grande sévérité pour le bilan de la politique économique conduite depuis un an par le locataire de l’Elysée. Dans l’opinion, la montée continue du chômage (qui devrait se poursuivre en 2010) joue un rôle déflagrateur. Elle efface le fait qu’avec un recul du PIB limité à 2,5 % dans l’Hexagone contre 4 à 5 % dans le reste de la zone euro, la croissance française résiste mieux que celle de ses voisins. Ou que la consommation des ménages, toujours en légère hausse, reste assez soutenue.
Jugement sans appel. Pour 57% des personnes interrogées, «le bilan du chef de l’Etat face à la crise économique et financière» est négatif (42 % sont d’un avis contraire). Un an après le plan de relance présenté à Douai par Nicolas Sarkozy, les Français (toujours à 57 %) ont le sentiment que la politique économique mise en place n’a été efficace que «pour sauver le système bancaire». Pour le reste leur jugement est sans appel. Ils sont 77 % à estimer que les mesures prises «pour lutter contre le chômage» sont inefficaces (21 % pensent l’inverse). La politique menée pour «lutter contre les inégalités» n’est pas plus «efficace» pour 75 % d’entre eux. Et 40 % seulement des sondés (contre 57 %) jugent «efficace» le dispositif gouvernemental pour «soutenir la croissance».
Nicolas Sarkozy, qui dévoilera ce matin ses arbitrages sur le grand emprunt (lire page 4), va de nouveau tenter de remonter le moral de ses concitoyens en expliquant que le tableau de l’économie française n’est pas si noir. Il s’y était essayé - sans grand succès - le 1er décembre à la Seyne-sur-Mer (Var) en faisant l’éloge, un an après, de son plan de relance. Affirmant que «la France s’en sort mieux que les autres», il avait cherché à démontrer avec force arguments pourquoi «elle aura la plus petite récession». Son plaidoyer pro domo s’était conclu par cette fanfaronnade : «On doit quand même honnêtement se dire que la politique économique conduite y est pour quelque chose !»
Inquiétude massive. Le problème est qu’avec un chômage de masse et des angoisses diffuses dans toute la population, il n’est pas audible. Car l’autre volet de notre sondage montre un pays rongé par «les peurs économiques et sociales», comme le souligne François Miquet-Marty, directeur de Viavoice. Lorsque les Français se projettent dans le court terme des «mois qui viennent», ils sont massivement inquiets - toutes catégories sociales confondues et quelle que soit leur sensibilité politique. Dans les principaux registres économiques et sociaux, plus de huit sur dix sont «inquiets» ou «très inquiets» : 84 % d’entre eux le sont à propos du pouvoir d’achat et 83 % pour l’emploi. Quant à la croissance économique, attendue autour de 1,5 % en 2010, ils sont 74 % à exprimer leur inquiétude (25 % se disent «confiants»). Christine Lagarde, la ministre de l’Economie, peut toujours claironner que la reprise s’accélère (avec une croissance de 0,6 % au quatrième trimestre), la perception de la crise est indexée sur la crainte de voir sa situation personnelle se détériorer.
Limiter les dégâts. «Les résultats de cette vague d’enquête appellent un enseignement majeur : un événement ne se traduit pas immédiatement dans l’opinion et, en l’occurrence, il existe un décalage chronologique important entre l’avènement de la tourmente financière puis économique, et les phénomènes d’opinion que ces turbulences génèrent, souligne François Miquet-Marty. Nous entamons aujourd’hui ce nouvel acte, fait d’inquiétudes massives pour l’avenir et de désenchantements face aux politiques menées.»
A trois mois des régionales, la gauche compte bien tirer profit de cette situation (lire page 13) en appelant à atténuer localement les effets de la politique conduite par l’exécutif. Nicolas Sarkozy espère limiter les dégâts électoraux en expliquant que la détérioration des chiffres du chômage est derrière lui. Tout sera à nouveau affaire de perception.
(1) Sondage Viavoice-«Libération» réalisé par téléphone les 10 et 11 décembre auprès d’un échantillon représentatif de 1004 personnes, sélectionnées selon la méthode des quotas.