22 Juin 2010
Créé le 22-06-2010 à 10h10 | AFRIQUE REDACTION | POLITIQUE | RDC | Mis à jour le mardi 22-06-2010 à 10h10 Par : L'AVENIR
*Pendant que les Congolais semblent avoir oublié, des avocats belges, pas des moindres, ceux qui avaient obtenu l’enquête sur l’assassinat de Lumumba, viennent de porter plainte contre la Belgique pour crime de guerre. *Lambert Mende regrette l’agitation en Belgique à la veille de l’arrivée du roi et de la reine à Kinshasa aux festivités du cinquantenaire de l’indépendance de la Rdc.
Il n’y aura jamais de paix dans les relations entre la Belgique et la Rdc. On a l’impression que certains Belges n’ont jamais pardonné à la Rdc d’avoir lutté pour son indépendance. La Belgique a oublié sa crise pour s’occuper du Congo tout simplement parce les autorités congolaises, par devoir de mémoire, ont invité le roi Albert II à participer aux festivités du cinquantenaire de son indépendance. Cette invitation a déclenché une véritable agitation politique en Belgique comme si les politiciens de ce pays n’avaient pas déjà trop à faire dans les affaires belgo-belges.
En Rdc, on n’en revient pas de voir la Belgique se mettre dans tous les états pour une petite invitation normale. Tout se passe comme si, sans cette invitation lancée au Roi, le cinquantenaire de l’indépendance de la Rdc n’aurait pas lieu. C’est le sens du ras-le-bol général en Rdc que traduit parfaitement le ministre congolais de la Communication et des médias, Lambert Mende. « Nous sommes vraiment surpris par toute cette discussion publique », a déclaré hier lundi, Lambert Mende dans les médias belges. Et le ministre congolais de poursuivre : « C’est injuste ! Totalement déplacé ». Il sent la manœuvre lorsqu’on sait que l’agitation s’amplifie presque à la veille de l’arrivée du roi et de la reine des Belges à Kinshasa. Tout est fait comme pour obtenir du roi l’annulation de ce voyage en Rdc.
Le défilé des soldats belges à Kinshasa
Après que le déplacement du roi rendu non annulable, les Belges ont tourné les débats vers la présence des soldats belges au défilé du 30 juin. Pour quelle symbolique ? Les politiciens belges refusent de poser la question.
A suivre les débats, la Rdc aurait sollicité cette participation des soldats belges. Il nous revient que la proposition serait venue d’un politicien belge. Dans la réaction, on a l’impression que ce sont les Congolais qui sont demandeurs. « C’est ridicule ! Nous n’avons même jamais invité les militaires belges à venir défiler chez nous », a déclaré le porte-parole du gouvernement congolais. La conclusion de Lambert Mende est à la hauteur du ras-le-bol : « Il existe en Belgique une vraie ‘dévaluation’ à propos du Congo ». Sinon comment comprendre cette agitation en Belgique autour de l’invitation lancée au roi des Belges parmi une trentaine d’autres chefs d’Etat du monde ?
Le vrai contentieux
Lorsque certains politiciens belges s’agitent, ils donnent l’impression que c’est la Rdc qui aurait des comptes à rendre à Bruxelles. Et pourtant, même si les Congolais ont pardonné et ne demandent qu’à oublier, les Belges reviennent sur le lieu du crime comme pour remuer le couteau dans la plaie. Cette fois, ce sont les Belges qui rappellent aux Belges que c’est la Belgique qui a des comptes à rendre à la Rdc. Au moment où la conjecture autour de l’invitation du roi et de la présence des soldats belges au défilé du 30 juin à Kinshasa, des avocats belges ont choisi le moment pour épousseter le dossier de l’assassinat de Lumumba. Il nous revient que « Plusieurs avocats belges ont demandé à la justice d’engager des poursuites pour crimes de guerre contre des responsables belges, soupçonnés d’implication dans l’assassinat de Patrice Lumumba, premier chef du gouvernement du Congo indépendant ».
Les débats engagés au sujet de la venue du roi et de la reine à Kinshasa doivent avoir poussé ces avocats à réveiller un dossier que les Congolais, eux, ont oublié. La tentative de l’avocat de la Voix des Sans voix, de porter plainte contre les autorités congolaises à la justice belge, n’est pas aussi étrangère à cette action des avocats belges contre la Belgique. On le disait, l’assassinat de Patrice Lumumba, entrant dans le cadre de crimes imprescriptibles, il fallait s’attendre à ce qu’un jour ou un autre les criminels belges soient appelés à y répondre. C’est chose faite aujourd’hui. « Cette demande a été rendue publique lundi 21 juin quelques jours avant la célébration, le 30 juin, des 50 ans de l’indépendance de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre). L’événement doit se dérouler à Kinshasa, la capitale, en présence d’une délégation belge dirigée par le roi Albert II ». On peut penser que c’est une façon pour les avocats belges de jeter le pavé dans la marre.
Des personnalités éminentes dans cette affaire
Pour plus de précision, il nous revient que « la requête émane d’un groupe composé d’éminents avocats, du doyen de l’école de droit de l’Université de Bruxelles, et de l’historien Luddo de Witte (Pas confondre avec le combattant Ludo Martins), dont les travaux sont à l’origine d’une enquête parlementaire sur l’assassinat de Lumumba ». De la qualité des personnes qui ont décidé de porter plainte, on peut juger du sérieux du dossier. Eux qui avaient réussi à obliger les Belges à l’enquête sur la mort de Lumumba, enquête qui a conduit au « mea culpa » du gouvernement belge, ne pourront pas ne pas obtenir un procès qui est la conséquence logique de cette enquête. Et la dépêche de l’AP de poursuivre : « Christophe Marchand, qui dirige l’équipe juridique, a précisé qu’une dizaine d’individus seraient cités dans la plainte. Aux termes de la législation belge, le ministère public est contraint selon lui de lancer une enquête, dans la mesure où toutes les personnes visées sont belges ». Cela n’a rien à voir ou à comparer avec des plaintes de complaisance lancées par certains illustres inconnus avocats congolais. Si la procédure tient la route, il en est de même des faits : « Les faits « ont été établis et ils font apparaître clairement que leurs actes tombent sous la définition de crimes de guerre », a déclaré Christophe Marchand à l’AP avant de poursuivre en disant que « cela permettait ainsi de porter plainte contre « ces Belges encore en vie, qui étaient actifs au Congo à l’époque ».
Pour lui, l’enquête pourrait commencer en octobre prochain. Il évoque le fait que la Belgique se soit déclarée moralement responsable de la mort de Lumumba. Bruxelles, rappelle-t-il, avait présenté ses excuses. Pour revenir aux faits, les avocats belges rappellent que « L’enquête parlementaire a déterminé que Patrice Lumumba avait été emprisonné à Kinshasa, après avoir été renversé par un coup d’Etat de Mobutu le 4 septembre 1960. Le 17 janvier 1961, des responsables belges ont fait disparaître Lumumba et deux de ses ministres, envoyés par avion vers la région du Katanga, où des officiers belges participaient à la formation des troupes sécessionnistes ».
En outre, « Dans ses écrits, Luddo de Witte les a jugés "responsables" d’actes de torture contre le Premier ministre et de la mort de ce dernier. D’après lui, le capitaine belge qui commandait l’escadron de tir s’est vu attribuer par l’armée une nouvelle identité et a été transféré dans une brigade belge dans l’ex-RFA, afin d’être protégé de toute poursuite ». Il ajoute que : « Le fait historique établi est qu’il y avait un lien direct entre (les ministres du gouvernement belge) et les officiers belges servant dans la région séparatiste du Katanga au Congo ». Et les confrères de l’Ap de rappeler que les « historiens ont établi que les Belges n’étaient pas les seuls à vouloir éliminer Patrice Lumumba. Une commission du Sénat américain a révélé dans les années 1970 que la CIA avait estimé que le dirigeant congolais avait le potentiel de devenir un Fidel Castro africain et avait envisagé de le supprimer, notamment avec du dentifrice empoisonné ».
Oui, mais, …
Dans l’opinion congolaise, quoi que l’on fasse, Lumumba ne reviendra pas à la vie. Que des avocats belges cherchent à obtenir justice sur l’assassinat du premier Premier ministre congolais, cela est une bonne chose. Mais ce serait dommage que cela ait pour effet, de brouiller davantage les relations entre les deux pays. On ne le dira jamais assez, il y a en Belgique une nouvelle génération qui n’est nullement mêlée à ce qui est arrivée en 1960. Il serait injuste d’empêcher ces jeunes belges d’entretenir de bonnes relations avec la Rdc. Ce qui est valable pour ces jeunes belges l’est aussi pour les jeunes congolais. C’est ici qu’il faut saluer la sagesse des dirigeants belges et congolais qui ont décidé de regarder devant en dépit de tous les bruits qui ressemblent à des chants des sirènes.
Joachim Diana G.