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13 Février 2014
Il fait partie de quelque 2 500 musulmans qui se sont réunis dans le centre de Bozoum, l’un des rares établissements de la région où les gens de sa communauté sont protégés par les Casques bleus internationaux. La protection offerte à Bozoum ne couvre cependant qu’une toute petite zone. « Si nous allons au-delà du coin de la rue, les [milices] anti-balaka nous feront payer quelque chose. Elles pourraient même nous tuer », a dit M. Iliassa.
Dans l’Ouest du pays en particulier, les musulmans sont les cibles d’attaques menées par les anti-balaka, des milices formées pour s’opposer à la Séléka, le groupe rebelle largement musulman qui a renversé le président François Bozizé en mars 2013. (Les forces de la Séléka ont officiellement été dissoutes en septembre dernier, mais ses combattants demeurent actifs dans certaines régions du pays.)
« De nombreux musulmans ont été tués ici. Parmi les gens que je connais, il y en a eu peut-être une quinzaine », a dit M. Iliassa. Avant d’ajouter : « Je suis né ici, tout comme mes parents et mes grands-parents, mais nous voulons maintenant partir pour le Tchad parce que les chrétiens ne veulent pas de nous ici. »
Saleh Ibrahim, un chef de quartier, a dit à IRIN que tous les membres de la communauté souhaitaient quitter le pays, mais qu’ils ne pouvaient pas emprunter les routes pour le faire, car elles sont contrôlées par les anti-balaka. « Nous ne pouvons pas partir et nous ne pouvons pas rester. Nos maisons et nos magasins ont été pillés, il n’y a presque plus rien à manger et la plupart des gens dorment dehors », a-t-il laissé entendre.
Il a reconnu que les travailleurs humanitaires offraient certains services dans ce ghetto en plein air. Médecins Sans Frontières (MSF) a mis sur pied une clinique de santé mobile ; un prêtre local, Aurelio Gazzera, fournit des sacs de riz ; et les agences des Nations unies s’occupent de l’approvisionnement en eau.
La situation est semblable à Bouar, une plus grande ville située à une centaine de kilomètres de Bozoum. Les travailleurs humanitaires qui œuvrent à Bouar signalent qu’il y avait entre 17 000 et 20 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) à Bouar – des chrétiens et des musulmans. Ils ont ajouté que le détachement de Casques bleus camerounais déployé à Bouar n’avait pas le plein contrôle de la situation. « La ville est contrôlée par les anti-balaka. Les musulmans sont dans une sorte de prison, une zone qui se limite à quelques rues. Le commandant des anti-balaka a dit qu’il conseillait aux musulmans de ne pas quitter cette zone parce qu’il ne pourrait alors garantir leur sécurité », a dit Narcisse Wega, le coordonnateur local pour MSF-Suisse.
EVACUATIONS DANGEREUSES
Les musulmans comptaient pour environ 20 pour cent de quelque 47 000 habitants de Bouar et formaient environ 15 pour cent de l’ensemble de la population centrafricaine. Des dizaines de milliers de musulmans ont cependant quitté le pays depuis l’éclatement des violences intercommunautaires survenu au début du mois de décembre 2013.
Après avoir repoussé l’ancienne Séléka de nombreuses villes au cours des dernières semaines, les anti-balaka ont pris le contrôle de nouvelles zones dans le Nord-Ouest et commencé à attaquer les convois de musulmans.
A la mi-janvier, une grenade lancée sur un poids lourd transportant des musulmans près de Bouar a fait 23 morts. A la suite de cet incident, des centaines de routiers ont refusé de traverser en RCA. Dernièrement, le Programme alimentaire mondial (PAM) a réussi à persuader une douzaine de chauffeurs sur les 38 embauchés d’acheminer des provisions avec une escorte armée, mais les autres – les musulmans, en particulier – se montrent toujours réticents à traverser la frontière. Vu la force croissante des anti-balaka, il est aussi plus dangereux pour les musulmans de se regrouper pour les évacuations. Dans la ville de Bossembele, plus de 50 musulmans attendant d’être évacués ont été tués le 16 janvier, selon Amnesty International, et des attaques contre des civils musulmans ont également été rapportées à Bozoum, Bossemptele, Yaloke, Boali et dans de plus petits établissements.
L’ex-Séléka et ses alliés musulmans ont commis de nombreuses atrocités l’an passé (2013). Ils ont notamment tué des centaines de civils dans la capitale, Bangui, en décembre dernier. Dans certaines régions, les non-musulmans sont encore la cible de violences inter-communautaires.
Selon Amnesty International, l’ancienne Séléka et ses alliés ont tué une centaine de civils non musulmans dans la ville de Baoro le 16 janvier dernier. D’après Cassien Kamatari, un prêtre local, plus de 75 civils – des non-musulmans, pour la plupart – ont été tués dans des affrontements inter-communautaires à Boda au cours de la dernière semaine.
Des Casques bleus et des travailleurs humanitaires sont présents à Bouar et à Bozoum, mais la plupart des plus petits établissements ne bénéficient d’aucune aide ou protection.
PLUS DE CASQUES BLEUS
Depuis plus d’une semaine, Amnesty International appelle au déploiement de Casques bleus à Bossemptele, une autre ville située sur la route principale qui mène au Cameroun, a confié à IRIN Donatella Rovera, qui travaille pour l’organisation.
Elle a fait savoir que les anti-balaka terrorisaient des centaines de PDIP musulmanes qui s’étaient réfugiées à la mission catholique de Bossemptele. « Le 1er février, ils ont enlevé trois PDIP », a-t-elle dit. Avant de poursuivre : « Ils les ont finalement libérées, mais le 3 février, ils ont battu une PDIP et menacé de tuer des PDIP blessées qui se trouvaient à l’hôpital de la mission. Un convoi de la MISCA [Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine] est passé par Bossemptele et s’est arrêté à la mission le 3 février, mais il n’a amené avec lui aucune PDIP. Les prêtres et les sœurs de la mission sont de plus en plus préoccupés, car la situation se détériore et les menaces deviennent de plus en plus fréquentes et concrètes. » Et d’ajouter : « Là où les soldats de la MISCA ont été déployés, ils ont fait une différence. Les anti-balaka sont mal armés et ne sont pas à la hauteur, mais la MISCA doit être présente dans davantage d’endroits. »
Un porte-parole de la MISCA, Eloi Yao, a indiqué que l’intérieur du pays était une priorité pour la force [de maintien de la paix]. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir. Nous sommes déployés dans les églises et les mosquées, mais il est très difficile de couvrir le moindre coin ». Et de faire remarquer : « Nous ne transportons pas les gens par camions – cela ne fait pas partie de notre mandat –, mais nous tentons de créer des corridors humanitaires. »