24 Décembre 2009
AFRIQUE REDACTION | SOCIETE | RDC | Mise à jour le Jeudi 24-12-2009 à 09H25
Accusé sur base d'une affaire aux contours balbutiants, Lutu Mabangu a été interrogé à la va vite, et jeté aussitôt en prison. Et aussitôt, et à la surprise générale, sa mise en détention vient d'être ordonnée. Ses cris d'innocence n'ont pas eu raison de ceux qui, de toute évidence, sont déterminés à lui faire payer des fautes qu'il n'a pas commises. Chemin faisant, l'opinion s'interroge : qu'a-t-il pu faire d'aussi gravissime pour mériter un sort aussi injuste que dégradant, au plan physique et moral ? Et pourquoi, et qui s'acharne à réduire en lambeaux la dignité de ce haut cadre au service de l'Etat depuis quarante ans ? Pourquoi, en plus, cela lui arrive-t-il juste en ce moment où, à travers le monde, riches et pauvres, mettent leurs soucis dans les placards pour plonger, tête baissée, dans la joie qu'apportent les réjouissances des fêtes de Noël et de Nouvel An ? Pourquoi le sort, je vais dire pourquoi des hommes à qui il n'a fait aucun mal, s'acharnent contre lui, alors qu'en conscience ils le savent totalement innocent ? Pourquoi, d'autre part, cherche-t-on à faire payer à Lutu des faits qui remontent à l'époque de Mathusalem ?
Parce qu'il endure un calvaire qu'il ne mérite pas, l'opinion est en droit de connaître le déroulement des faits qui l'ont amené en prison. Avant, il faut dire quelque mot sur son séjour anormalement prolongé à Makala. Aux arrêts depuis le 14 décembre, il en est aujourd'hui à son neuvième jour de prison. A sa suite, nombre de ses collaborateurs sont entendus sur procès verbal au Parquet général. Pourquoi Lutu est en prison ? Et pourquoi son arrestation heurte tout citoyen qui croit en la renaissance d'une justice juste dans notre pays ?
On accuse Lutu d'avoir vendu des vieux groupes électrogènes déclassés depuis 1984. Et vendus dans l'état où ils se trouvaient en 2007, après l'accord verbal de toute la hiérarchie. C'est même le ministre de l'Information de l'époque qui demande à Lutu de les sortir, et de les mettre n'importe où, parce que des nouveaux groupes électrogènes devaient être installés. Au lieu de laisser cannibaliser ces matériels, il avait, avec ses collaborateurs, jugé bon de les vendre au cas où un preneur se présentait.
Dans ce pays où des bricoleurs de tout genre peuvent ramener même les morts à la vie, il s'est trouvé quelqu'un, inconnu de Lutu, pour se porter acquéreur de cette vieille quincaillerie. Après discussions et avis autorisés des uns et des autres, Lutu qui n'a pas de frais de fonctionnement, trouve dans cette vente une bouffée d'oxygène et une bénédiction divine. Les vieilles machines sont vendues à six mille dollars. Une fortune dans une maison qui fonctionne plus avec de l'eau bénite qu'avec des billets de banque.
Lutu ne voit même pas la couleur de cet argent qui est versé entre les mains des caissiers de la RTNC2. Le jour suivant, tous les documents en rapport avec cette transaction sont envoyés, comme il se doit, à la direction générale de la RTNC. Nous sommes en 2007. Retenez bien la date. En retour, Lutu ne reçoit de sa hiérarchie aucune remarque en rapport avec cette opération. Pour des raisons que seuls de vieux sorciers édentés peuvent expliquer, en décembre 2009, le 17 précisément, la hiérarchie réagit à la vente des vieux groupes électrogènes.
Elle réagit alors que Lutu est à Makala depuis le 14. Induite probablement en erreur par des souffleurs qui tournent autour de tous les chefs de ce pays, le numéro un de la RTNC " suspend préventivement Lutu Mabangu avec ouverture d'une action disciplinaire ". Voici Lutu crucifié deux fois. De sa prison, il apprend qu'il vient d'être suspendu. Motif ; " aliénation des biens de la RTNC (groupes électrogènes) et divers détournements de fonds ". Pour ne pas abuser de nos lecteurs, nous publions intégralement la lettre suspendant Lutu.
Entre-temps, des personnes non autrement identifiées soupçonnent Lutu d'avoir empoché le produit de la vente des groupes électrogènes. Et pourtant, les caissières entendues au Parquet général affirment la main sur le cœur, devant l'officier chargé de les verbaliser, avoir, elles, encaissé les six milles dollars. Tous les autres collaborateurs de Lutu donnent la même version.
En dehors de cette affaire qui ne résiste à aucune analyse sérieuse, les professionnels de la traque contre Lutu ont exhumé un dossier qui date de 2001. Selon eux, Lutu aurait touché pour se faire soigner à l'étranger, plus de quarante mille dollars du trésor public. On l'accuse non seulement d'avoir touché l'argent mais, plus grave, de ne s'être jamais rendu à l'étranger.
C'est faux, rétorque Lutu, qui reconnaît avoir touché des mains de X, toujours en vie, qui était à l'époque au cabinet du Budget, la somme de trois mille dollars. Et avec cet argent, les preuves existent, il était effectivement parti en Europe, où il a frères, enfants, neveux et nièces qui ne sont pas au chômage, pour se faire soigner. C'était au mois de mars 2001.
A ce stade ici, il est légitime de se poser la question que voici : pourquoi le trésor public aurait sorti quarante mille dollars pour Lutu, alors que le maximum autorisé par la loi, et pour tout le monde, est de dix mille dollars ? Comme pour les groupes électrogènes, pourquoi cette affaire qui date de huit ans sort plutôt aujourd'hui qu'hier ? Pourquoi avoir attendu, tant de temps pour mettre ces deux affaires et sur la place publique et sur le dos de Lutu ?
C'est pourquoi, l'opinion publique pense, avec raison, que le directeur Lutu est victime d'un règlement de comptes qui s'appuie, bien qu'en pleine renaissance, sur une justice distribuée visiblement de manière équivoque et peu convaincante. L'Etat devrait ouvrir le bon œil afin qu'il ne soit pas demain accusé d'avoir, par son silence, consenti à sacrifier nombre de ses meilleurs serviteurs sur l'autel des intérêts troubles de certains bonzes qui gravitent autour du pouvoir.
Aussi, ce n'est pas faire injure à la justice en affirmant ici, haut et fort, que l'arrestation de Lutu Mabangu, dans les circonstances désormais connues de l'opinion, est hautement injuste. Et n'honore aucunement, ni notre justice, ni notre pays.
Mankenda Voka