23 Janvier 2012
Des dizaines de parents congolais expulses d'Angola en 2011 n'ont plus de nouvelles de leurs enfants, retenus au passage de la frontière par des soldats angolais. Rares sont ceux qui les ont retrouvés.
«C'était pour moi une journée de fête de revoir ma fille, car je la croyais morte!» Oscar Mabela était fou de joie, en fin d'année 2011, lorsqu'il est rentré en RdCongo, avec sa fille Hortense Luzolo, 17 ans. Elle faisait partie des enfants retenus à la frontière par des soldats angolais, lors de l'expulsion, fin septembre 2011, de nombreux Congolais. Arrivés à la cité de Tshela, à 250 km de Matadi (chef-lieu de la province du Bas-Congo), leurs parents avaient décidé de ne pas regagner leurs milieux d'origine, tant qu'ils n'auraient pas retrouvé leurs enfants. «Nous camperons ici si l'Etat n'entreprend aucune démarche dans ce sens auprès du gouvernement angolais», menaçaient-ils.
Selon leurs dires, une trentaine d'enfants congolais ont été empêchés de regagner la RdCongo, par le poste frontière de Tshela. Près du poste de Nekuzu, «les soldats ont pris de force deux de mes enfants, une fille et un garçon, âgés de. 14 et 17 ans», raconte, très inquiète et un bébé sur le dos, Nathalie Malonda, une des expulsées.
Refus de rentrer
En octobre 2011, après des négociations entre les deux pays, le service angolais des migrations a finalement autorisé ces Congolais à rentrer chercher leurs enfants restés en Angola. Partis en deux vagues, ils ont sillonné villes et villages, mais seule une dizaine d'enfants, gardés dans des orphelinats, ont été retrouvés.
Des autres aucune, trace, malgré l'opération de recherche lancée par les autorités angolaises. «Bien qu'informés de la présence de leurs parents, ces enfants ont refusé de rentrer en Rd Con go, par peur de ce qui pourrait y arriver lors des élections», explique sous couvert de l'anonymat, un membre du Consulat angolais à Matadi. Selon les témoignages d'Hortense Luzolo, certains de ces enfants ont été adoptés par des familles angolaises, contre paiement d'argent. «Mais, les villes et localités de résidence de ces familles ne sont pas connues», dit- elle. Ceux qui ont regagné la Rd Congo, des jeunes filles particulièrement, affirment avoir été victimes de sévices sexuels. Retrouvée à Cabinda, Hortense déclare notamment, avoir été livrée par les soldats à leur chef. «Il a fait de moi son esclave sexuel, avant de me relâcher dans la brousse deux semaines plus tard.. .», raconte-t-elle avec émotion, se couvrant le visage de ses mains. Plus jeune (12 ans), L.N. dit avoir été abusée elle aussi par plusieurs soldats, avant d'être acheminée dans une localité à 180 km de la ville Soyo, où elle était contrainte de se prostituer...
Régulariser les migrations
L'Angola expulse, presque chaque année; des ressortissants de plusieurs pays africains en situation irrégulière, qui arrivent par milliers dans ce pays, attirés surtout par les régions riches en diamant. Voisins les plus proches, les Congolais sont les plus nombreux à s'y rendre. Lors de ces expulsions, ils accusent souvent les militaires angolais de toutes sortes - d'exactions, notamment de confiscation de leurs biens de valeur. Mais, c'est la toute première fois qu'ils font état de rapts d'enfants. Une pratique qui inquiète Iloankoy Nkanga Songe, l'administrateur du territoire de Tshela. «Qu'adviendraient-ils des relations entre nos deux pays, si les Congolais leur rendaient la monnaie de la pièce?», demande-t-il.
En 2009, le gouvernement congolais avait, en signe de réciprocité, procédé à l'expulsion de plusieurs dizaines de milliers d'Angolais résidant depuis de nombreuses années en RdCongo. Mais cela n'avait pas mis fin de l'autre côté, aux expulsions de son territoire de tous ceux que l'Angola considère comme des sans-papiers. En début de chaque année, ce pays donne un délai à tous les étrangers qui sont en situation irrégulière, de choisir entre «un retour volontaire dans leur pays ou un régularisation administrative en Angola en obtenant le statut de migrant.»
Syfia Grands Lacs