Les médias diffusent « Notre père » malgré la mesure de censure

En dépit de la décision de la commission de censure saisie par une plainte du ministre Matata Ponyo, l’album «Notre Père» continue à passer sur les antennes de radio et télé. Le ministre des Finances, Augustin Matata Ponyo, n’a pas du tout apprécié que son nom soit repris dans la chanson «Thermomètre» contenue - dans le dernier album, «Notre Père», de l’artiste musicien, Papa Wemba. Et il l’a fait savoir, avec la manière, d’abord à l’artiste musicien, lui-même, sommé de corriger, toute affaire cessante, la faute en retirant le nom du ministre de la chanson. Et par la même occasion, Matata Ponyo, «tout en reconnaissant le travail combien louable qu’abattent les musiciens pour accompagner l’oeuvre de la reconstruction nationale», a attiré «leur attention de s’abstenir de citer son nom dans leurs chanson». Mais, Papa Wemba n’a pas semblé s’exécuter. Dans son entourage, on laisse entendre que c’est le fils du ministre Matata qui aurait approché Papa Wemba pour surprendre agréablement son père. Et d’ailleurs, souligne-t-on, bien des personnalités politiques et autres célébrités du pays et usent des intermédiaires pour se faire chanter par les vedettes de la chanson rd-congolaise. Non content, le ministre Matata a saisi la Commission nationale de censure pour solliciter l’interdiction de diffusion de cette chanson, à défaut de l’album. Mais les médias audiovisuels semblent bouder la mesure de suspension de cet album par la commission de censure. Question que reste-t-il encore de la mesure gouvernementale interdisant aux musiciens de citer les noms des dirigeants politiques dans leurs chansons et concerts ? De tout temps, les personnalités politiques r-dcongolaises décrient du bout des lèvres le phénomène «Libanga». Mais, en réalité, elles sont fières d’être citées dans les chansons par les musiciens.

Le ministre de la Communication et des Médias avait pris un arrêté interdisant aux musiciens de citer les autorités et autres personnalités dans leurs chansons. Quid de cette mesure? La ministre de la Culture et des Arts, Jeannette Kavira, a par ailleurs lancer une campagne nationale de lutte contre les antivaleurs dans la musique r-dcongolaise, appelant ainsi les ministres et les autres personnalités du pays à refuser de se faire chanter ou de faire l’objet des «Mabanga» (dédicaces) de la part des musiciens.
Le refus de Matata Ponyo n’est pas sans rappeler celui du chanteur Adolphe Domingues qui aurait été prié par les services de retirer du marché tous les CD et K7 d’un de ses albums dans lequel le nom d’un membre de la famille présidentielle a été cité. Le phénomène «Libanga» ou encore «Matolo», ainsi dénommé par les musiciens eux-mêmes, est devenu monnaie courante dans la musique de R-dC. Mais il faut dire qu’il ne plaît pas à tout le monde. Vu des mélomanes, la musique de R-dC décline à cause de ce phénomène dans les chansons et les concerts. Vu des artistes, c’est «un moyen de vivre». La polémique enfle. «C’est avec ça (<Mabanga») que nous parvenons à arrondir les angles et à nouer les bouts du mois. En réalité, nous ne payons pas de salaires à nos musiciens faute de productions payantes. Quand on nous a interdit de faire les dédicaces à l’endroit des autorités, j’avoue que cela a été ressenti comme un coup dur», confie un patron d’orchestre à Kinshasa. Les musiciens se défendent en arguant que ce sont les gens qui viennent vers eux pour un petit parfum de pub dans le nouvel album. Cela confère une certaine aura sociale, disent-ils. Avec ce phénomène, il y a désormais une sorte de malaise à écouter les chansons des musiciens de la R-dC.

PATIENCE KIMVULA