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26 Avril 2012
Madame la Commissaire européenne aux affaires étrangères,
Monsieur le Coordinateur principal de l'Union Européenne pour la région des Grands Lacs,
Mesdames, Messieurs les Commissaires et députés européens,
Objet : Rapport de la Mission d'Observation des Elections de l'Union Européenne (MOE UE)
Mesdames, Messieurs,
Permettez-nous de revenir une fois de plus vers vous en rapport avec l’objet sous rubrique.
De prime abord, nous tenons à vous exprimer notre satisfaction à la lecture du rapport publié par la Mission d'Observation des Elections de l'Union Européenne (MOE UE) mandatée par votre institution, à la suite des élections de novembre 2011 en RDC . République Démocratique du Congo. Cette satisfaction se renforce également par la décision de l’Union Européenne de conditionner le décaissement du reste de son financement au processus électoral congolais par le respect des critères liés à la mise en œuvre effective des recommandations de votre mission d’observation électorale en RDC.
Vous comprendrez également que cette satisfaction nous amène naturellement à vous adresser notre message de remerciement puisque nous constatons que nous avons trouvé en votre institution, l’UE, au travers de la personne du Coordinateur de la Région des Grands Lacs et ses collaborateurs des interlocuteurs attentifs à la cause congolaise. Ce rapport converge avec le contenu de nos mémorandums et de nos entretiens respectifs du 16 décembre 2011 et du 2 mars 2012 avec Mr VERVARKE et ses collaborateurs.
Comme nous n'avons cessé de le répéter, l'exercice de tout pouvoir politique exige un contrat social censé entraîner une adhésion populaire devant consolider la cohésion nationale et la paix civile durement mises à mal à la suite de ces élections entachées de graves irrégularités et ayant débouché sur des résultats jugés non crédibles par tous les observateurs et experts sérieux tant nationaux qu’internationaux
Ce déficit de légitimité, couplé d'une crise de régime et du droit en RDC, engendrent par conséquent une très faible adhésion populaire. Ainsi, la situation sécuritaire à l'Est du Congo et le déploiement des forces de sécurité dans la capitale et les principales villes du pays témoignent de la fragilité institutionnelle et politique, malgré le calme trompeur apparent, qui peut à la moindre bourrasque politique ou populaire compromettre les efforts de stabilisation de la région des grands lacs que l'UE a entrepris depuis l'opération Artémis.
En effet, vous êtes sans ignorer que le régime en place dispose de très peu de ressort et de leviers sur lesquels il peut s'appuyer pour gouverner pacifiquement le pays et poursuivre les réformes nécessaires à la consolidation de l'Etat et la restauration de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national. Des préalables indispensables à tout redémarrage et reconstruction socio-économique de ce pays.
En parcourant rapidement les différents rapports établis par les organismes d'observation nationaux et internationaux, on relève unanimement que là où le Centre Carter déclare que le processus électoral n'est pas crédible et que les résultats donnant la victoire à Joseph Kabila n'offraient pas la crédibilité requise, le principal regroupement d'ONG de la région de l'Afrique australe, le CONG-SADC, déclare pour sa part :
« Les élections en RDC ne répondent pas aux standards et aux principes et lignes directrices de la SADC en la matière ; encore moins à la conformité de la Loi électorale congolaise, compromettant ainsi leur « crédibilité" ». Avant de conclure que « la tension politique qui en résulte pourrait, en cas d'incidents violents, entraîner « désastre » pour la SADC, l'Afrique Centrale et l'Afrique tout entière. »
L’Eglise catholique congolaise, forte de ses 3.000 observateurs, a, quant à elle, fustigé les faux résultats des élections présidentielles publiés par la CENI et confirmés par une Cour Suprême de Justice aux ordres du président sortant Joseph KABILA. L’ONG congolaise la Voix des Sans Voix, que dirigeait Floribert CHEBEYA, et dont le film lui consacré est, sauf contre-ordre, interdit de projection en RDC, a également mis en cause la crédibilité des scrutins présidentiel et législatifs en ces termes : « Les dites élections n'ont pas été transparentes et par conséquent, « non crédibles », au grand dam de la population congolaise désillusionnée par la boulimie du pouvoir de ses acteurs politiques ». Et la liste de ces constats unanimes est longue pour tous les citer.
A l’inverse du Ministre belge des affaires étrangères, Mr Didier REYNDERS, le seul et unique responsable politique européen, qui contre toute attente, déclare haut et fort, à qui veut l'entendre, qu'en dépit des irrégularités l'ordre d'arrivée des candidats reste inchangé, la MOE UE précise dans son rapport définitif du 29 mars 2012 que les résultats des élections de 2011 en RDC ne sont pas crédibles.
En effet, l’adjectif « crédible » est un dérivé du verbe croire en latin « credere » dont la traduction de l’adjectif credibilis signifie qui est vraisemblable, plausible, qui peut être cru.
En effet, dans sa lecture politiquement orientée et son interprétation délibérément fallacieuse du rapport du Centre Carter, devenu désormais sa référence biblique électorale, avec le concours d’une certaine journaliste partisane, en l’occurrence Mme Colette BRAECKMAN, qui, pour le besoin de la cause, a mis son code déontologique dans sa poche, le Ministre belge des affaires étrangères oublie, à dessein, de restituer cet extrait dans son contexte originel décliné en ces termes :
Ainsi, pour couper court à ceux qui prétendent que son premier rapport ne remettait pas en cause l’ordre d’arrivée des candidats, le Centre Carter a ouvertement reconnu dans son dernier rapport, l’existence d’une crise de légitimité et a proposé soit de revoter ou de dialoguer afin de doter le Congo des dirigeants politiques légitimes vu que les élections de novembre n’y étaient pas parvenues.
De plus, il nous revient, par ce biais, de rappeler à l’attention du Ministre belge des affaires étrangères, au cas où cela aurait échappé à son attention, qu’aucune mission d’observation n’avait reçu mandat de certifier les résultats, encore moins d’établir l’ordre d’arrivée des candidats. Ainsi l’a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises, Mme Mariya NEDELCHEVA, députée bulgare et chef de la mission d’observation de l'Union européenne en RDC. Ainsi, à la lumière de la mission et du rapport définitif du Centre Carter, sa déclinaison, quant au fameux ordre d’arrivée, ne résiste pas à la moindre analyse rationnelle rigoureuse, qui pis est nulle et sans objet. Par conséquent, le Peuple Congolais, au nom de sa Diaspora, soucieux du respect des valeurs démocratiques universelles et d’une marche sereine des institutions républicaines, invite le Ministre précité à faire preuve d’honnêteté intellectuelle et à revoir sa copie en toute humilité.
Une constante se dégage unanimement des différents rapports de principales missions d’observation : le processus électoral et les résultats des présidentielle et législatives manquent de crédibilité. On y reconnaît explicitement une grave atteinte à la démocratie et une crise de légitimité du pouvoir actuel.
Force est de constater que le rapport définitif de votre institution donne une petite lueur d'espoir au Peuple Congolais qui ne cache pas sa faim de démocratie et reste sur sa soif de connaître la vérité des urnes vers lesquelles il s'est mobilisé, en toute maturité et responsabilité politique le 28 novembre 2011. C’est ici pour nous l’occasion de saluer cette prise de position de votre part qui a le mérite de ne pas cautionner, ni protéger, encore moins soutenir des résultats électoraux frauduleux. Cette attitude courageuse et responsable de l’ensemble des Etats de l’Union Européenne isole de ce fait même la position éhontée, marginale et politiquement incongrue de certaines autorités belges qui se sont empressées à encenser ou à subtilement légitimer les institutions issues de ces élections de la honte pour l’Afrique.
Au regard de diverses constatations et du déroulement du processus électoral, il appert clairement que le pouvoir sortant, se sachant impopulaire et désapprouvé par une grande majorité de la population, et de surcroît incapable de renouveler démocratiquement son mandat, a entrepris en amont comme en aval une vaste opération ayant rendu le processus et les résultats électoraux non crédibles afin d'en tirer illicitement profit et de se maintenir au pouvoir contre la volonté du Peuple.
Mesdames, Messieurs,
Au travers de votre rapport et de votre ferme condamnation de la répression brutale des paisibles chrétiens survenue ce 16 février 2012 – s’étant accompagnée de la profanation des lieux sacrés du culte jusqu’où certains manifestants ont été pourchassés -, à l'instar du rapport de BCNUDH BCNUDH = Le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme des Nations Unies, vous y déclinez publiquement, à la face du monde, votre refus de servir de manteau à tous les crimes horribles qui ont été commis avant, pendant et après les scrutins. Nous saluons également cette prise de position.
La diaspora congolaise se demande comment un régime qui, lors des dernières élections de novembre 2011, a marché sur des vies humaines, tel qu’il ressort du rapport Human Rights Watch du 02/12/2011 ; a piétiné la démocratie et la volonté de plus de 15 millions d’électeurs congolais et utilise la répression et les moyens de contrainte pour imposer son autorité et gouverner le peuple par défi, contre son gré et sa volonté exprimée le 28 novembre 2011, peut encore oser prétendre assurer le bien être matériel et la sécurité au peuple congolais ? En effet, nul n’ignore qu’au Congo, on massacre, viole, pille et répand impunément le sang innocent du Peuple pour s'imposer à lui, envers et contre tout principe élémentaire juridique d'un Etat de droit et d'une Démocratie ?
Le Peuple Congolais perçoit, à travers votre rapport, votre volonté de ne pas être complice de tous les crimes odieux qui sont perpétrés dans son pays par des individus sans éthique morale ni politique, qui détiennent le pouvoir par la force des armes et des chars de combat, en collusion d'intérêts avec des groupes mafieux et des multinationales sans scrupules agissant entre autres sous le couvert de quelques politiciens belges et une certaine presse acquise à leur cause.
Si la justification des scrutins du 28 novembre 2011 était d'imposer et maintenir, par la force des chars, des dirigeants honnis par le Peuple Congolais à cause de leur mauvaise gestion et du pillage du pays, pourquoi l'UE, au péril de sa crédibilité et son prestige, a choisi d’investir des dizaines millions d'Euros en cette période difficile où l'Europe est gravement confrontée à une crise financière sans précédent? Ces millions dont l'utilisation opaque par la CENI CENI = Commission Electorale Nationale et Indépendante ne permet pas à ce jour d'éclairer l'opinion sur leurs affectations respectives, auraient permis tant soit peu d’épargner à des milliers de familles en Grèce, en Espagne, en Irlande ou au Portugal de se retrouver du jour au lendemain sans emplois ou dans la rue.
La diaspora congolaise s’indigne de la confiscation des droits fondamentaux et des libertés publiques par le régime en place qui impose un règne de terreur sans précédent. En effet, à l’heure actuelle, aucune manifestation publique ni marche pacifique (des chrétiens) La marche des chrétiens du 16 février 2012 fut réprimée par les forces de l’ordre. ne peut avoir lieu sans être réprimée et ce, en dépit du droit de manifestation consacré dans la constitution du Congo. Quelle est cette démocratie où l’on ne tolère la liberté de manifestation publique ? Est-ce ce type de régime et d’institutions que l’Union européenne et ses états-membres veulent promouvoir au Congo ?
La Diaspora Congolaise au nom du Peuple opprimé du Congo, au-delà de la symbolique scripturale des recommandations du rapport de la MOE UE, éprouve beaucoup de peine à suivre la rhétorique de votre institution. D’un côté, elle apprécie les prémisses de votre rapport qui stigmatise le processus électoral congolais. D’autre part, elle ne comprend pas que votre institution s’abstienne d’arrêter des mesures adéquates qui, en toute logique, devraient découler des constatations que vous avez pu établir. C'est-à-dire les mesures de contrainte fortes de nature à favoriser la mise en place des institutions réellement légitimes en vue de sauvegarder la cohésion nationale fragilisée à la suite de ces élections.
En effet, comment pouvez-vous, d’une part, dénoncer des faits tels que la non crédibilité des résultats électoraux ayant placé à la tête du pays des dirigeants illégitimes et, d’autre part ne rien faire contre cette situation d’imposture ? Une telle prise de position ferme de votre part aura plus d’impact qu’une simple condamnation de principe, présentée sous forme d’un placebo diplomatique souvent accommodant pour les régimes autocratiques, comme on le constate aujourd’hui en Syrie.
Le Peuple Congolais attend de l'UE, premier contributeur pour la RDC, et des Etats-membres, dans le cadre de l'aide au développement, une position et des mesures d’accompagnement fermes à l’encontre du régime en place afin de sauvegarder la démocratie et de garantir les droits du peuple congolais. Ainsi donc votre auguste institution n’apportera pas, aux yeux des congolais, sa caution morale à la mascarade électorale de 2011, aux institutions ainsi qu’aux dirigeants illégitimes issus desdits scrutins.
Pour mémoire, l'UE dispose de plusieurs leviers de contrainte, tant sur le plan économique et politique que sécuritaire pour empêcher que des personnes, dépourvues de mandat populaire, ne président aux destinées du Peuple Congolais contre sa volonté. Et ce ne sont pas les moyens qui vous font défaut. C'est juste une question de volonté politique et de solidarité et d'assistance à un Peuple en Danger.
La doctrine diplomatique reconnait le principe du droit à l'ingérence humanitaire de la Communauté Internationale; comme cela a été les cas avec la France en Côte d'Ivoire et en Libye, respectivement sous la bannière de l'ONU et de l'OTAN. Ce principe diplomatique et humanitaire permet à la Communauté Internationale d'intervenir de façon préventive dans un espace de crise en vue créer des conditions d'un règlement politique en faveur d'une population en danger.
L'histoire récente de la RDC nous renseigne que chaque fois qu'il y a eu changement de président en RDC - en 1965, 1997 et 2001-, cela s'est réalisé soit par un coup d'état militaire ou une élimination physique du président en place. Le président déchu ou assassiné ayant préalablement été confronté, avant sa neutralisation, à une impasse politique. Le contexte sociopolitique actuel se prête à une répétition de l’histoire. Nous nous faisons le devoir de vous le rappeler, à toutes fins utiles car tout porte à croire que c'est la seule manière « non orthodoxe » d'instituer une alternance au sommet de l'Etat en RDC.
Le Peuple Congolais ne vous demande pas d'installer Mr Etienne TSHISEKEDI à la tête de la République Démocratique du Congo comme la France l'a fait avec OUATTARA. Mais il vous demande juste d'être à ses côtés pour l'accompagner dans son combat pour la restauration de la vérité électorale lui confisquée afin de faire triompher la Démocratie, l'Etat de droit et la Justice, fortement bafoués depuis la forfaiture de la CENI en vue du maintien au pouvoir par la force de Mr. Joseph KABILA.
Les dernières élections de novembre 2011, au-delà d’avoir plongé le Congo dans une profonde crise interne de légitimité et de droit, ont érodé la légitimité et le rayonnement du Congo sur le plan international. Une démarche politique et diplomatique de résolution de crise s’avère donc urgente pour y remédier. A cet égard, nous nous faisons le devoir et le plaisir de rappeler une citation de Mr Raymond BARRE : « il faut être crédible pour être écouté. » Ainsi, de quelles crédibilité, légitimité et notoriété diplomatiques disposent encore les gouvernants actuels de la RDC pour être écoutés dans le concert des nations où sont débattues des questions géopolitiques fondamentales touchant à l’avenir de notre planète ? Qui est ce chef d’Etat ou de gouvernement qui s’enorgueillira de s’afficher lors des sommets internationaux aux côtés d’un président qui a grossièrement triché aux élections aux fins se maintenir illégitimement au pouvoir ?
Puisque le chef du régime en place refuse d’initier une démarche politique responsable de résolution de la crise institutionnelle et de régime que connait la RDC, après s'être manu militari autoproclamé à la tête de l'Etat, inféodé la Cour Suprême de Justice à sa cause, et avoir nommé des députés au Parlement et même les membres de l'opposition devant siéger au bureau de cette caisse de résonnance de son régime, à la suite de l’échec de la mission de débauchage politique d’une majorité des poids lourds de l’opposition (UDPS, MLC, UNC) confiée son Informateur, Mr Charles MWANDO ; il ne reste plus qu'au Souverain Primaire congolais de prendre ses responsabilités et d'user de TOUS les moyens pour faire prévaloir son Droit brisé et sa Volonté volée dans les urnes.
Mesdames, Messieurs
Permettez-nous enfin de vous demander de transmettre aux Peuples frères de l'Union Européenne ces paroles de René CASSIN, Prix Nobel de la Paix en 1968 et un des artisans, aux côtés de Stéphane HESSEL, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme :
« L'essentiel est que notre Conscience ne devienne jamais indifférente même par l'excès de l'horreur aux injustices et aux souffrances qu'il a été possible d'épargner à d'autres hommes par un effort fraternel. Aucun de nous n'a le droit d'être en repos en face de l'oppression ou de la misère ».
Nous laissons à l’Histoire et à la postérité le soin de vous juger et juger votre institution sur les actes concrets que poserez en sa faveur en vue du règlement de la crise postélectorale congolaise.
Vous souhaitant bonne réception de ce mémorandum et demeurant à votre disposition pour tout échange constructif complémentaire, nous vous prions de croire, Mesdames, Messieurs, en l’assurance de nos sentiments bien dévoués.
Me Laurent MUTAMBAYI, LL.M Jean-Jacques WONDO OMANYUNDU
Juriste Politologue et Criminologue
Références :
1. Rapport Human Rights Watch dd. 02/12/2011
2. Déclaration des Evêques congolais dd. 12/12/2011
3. Déclaration du CONG-SADC dd. 15/12/2011
4. Déclaration de l’ONG la Voix des Sans Voix de Feu Chebeya dd. 08/01/2012
5. Déclaration de l’Union européenne dd. 16/02/2012
6. Rapport du Centre Carter dd. 23/02/2012
7. Rapport définitif de la MOE UE dd 29/03/2012
8. Rapport de BCNUDH dd. 30/03/2012
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