15 Janvier 2010
Créé le 15.01.10 à 15h00
AFRIQUE REDACTION |ERUPTION VOLCANIQUE | RDC | Mis à jour le Vendredi |15.01.10 à 15h10 | Bonne année à tous et merci de votre visite !
Les populations de la zone de Goma au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, ne sont pas directement menacées par le volcan Nyamulagira entré en éruption au début de ce mois parce que la lave se dirige vers le Parc national de Virunga (PNVi), affirme l’Observatoire volcanologique de Goma (OVG).
Pourtant, Goma, qui est le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, est située à 22 kilomètres seulement du volcan. Mais, située à plus de 200 kilomètres du cratère, la ville de Bukavu, dans le Sud-Kivu, prend peur et panique parce qu’elle reste encore traumatisée par le tremblement de terre meurtrier de février 2008, qui avait affecté Bukavu et ses environs, une partie de Goma ainsi que de la province de Cyangugu au Rwanda, frontalière de Bukavu.
«L’activité du volcan Nyamulagira reste soutenue et ne va pas s’arrêter de sitôt. La coulée se dirige dans le PNVi, elle vient de passer de 15 à 200 mètres de largeur en trois jours. Elle s’allonge plus lentement parce qu’elle passe d’une zone en pente à celle moins raide et presque plate. Elle n’a progressé que d’une quarantaine de mètres en trois jours», explique le directeur général de l’OVG, Katcho Karume.
Toutefois, a-t-il indiqué à IPS, le vent a changé de direction et des cendres sont tombées sur la ville de Goma sans occasionner de dégâts.
Même à Sake, l'importante localité la plus proche dans la direction où avance la lave, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest du Nyamulagira, la population n'est pas directement menacée, malgré la gêne occasionnée depuis plusieurs jours par les retombées des cendres. "La population est alertée et continue d'observer des mesures d'hygiène. L'eau du robinet n'est pas affectée, mais celles des pluies le seront fortement", souligne le vulcanologue.
La lave a brûlé plus de 11 hectares de la forêt du Parc des Virunga, classé au patrimoine mondial par l'UNESCO et qui abrite diverses espèces de mammifères, de reptiles et d'oiseaux. Les deux dernières éruptions du Nyamulagira (mai 2004 et novembre 2006) avaient fait de ce volcan le plus actif d’Afrique, ses déchaînements pouvant durer de quelques jours à plusieurs mois, selon l’OVG. Mais, elles n’avaient pas touché les habitations.
Dès l’annonce de la catastrophe, Goma a ressenti une faible onde de choc, mais a pris peur. La population se souvient en effet de l’éruption meurtrière, le 17 janvier 2002, du volcan Nyiragongo, dans la même région. La coulée de la lave avait détruit une partie de la ville, fait des dizaines de morts, et plus de 40.000 familles sans abris. Ce volcan continue à tuer en silence, selon les vulcanologues.
La Radio télévision nationale congolaise prévient constamment la population contre les risques auxquels elle est exposée. Les chercheurs de l’OVG parlent des gaz et cendres qui s’échappent du cratère, de la contamination des eaux et des nappes phréatiques suite aux infiltrations souterraines de toutes sortes d’impuretés. Les autorités ne cessent de diffuser des mesures préventives à la radio.
Cependant, l’OVG a rassuré, depuis le 6 janvier, que la ville de Goma n’était pas menacée par le volcan Nyamulagira.
Bravo Manegabe, un chauffeur taxi à Goma contacté par téléphone, déclare à IPS : «Si ce les laves de ce volcan atteignent Goma, ce sera l’hécatombe pour la population. Les routes seront encore une fois impraticables. Nous serons contraints de rester à la maison ou de nous réfugier avec tout ce que cela comporte comme conséquences: maisons calcinées, familles disloquées, épidémies à craindre, chômage...»
Située à plus de 200 km au sud de Goma, la ville de Bukavu prend également peur et panique. Le cauchemar du séisme du 3 février 2008 revient dans les esprits. Dès la tombée de la nuit, des familles entières avaient abandonné leurs maisons pour aller dormir en plein air, loin de toute construction, sur les places publiques ou au bord des avenues.
«La peur m’envahit quand je pense au tremblement de terre du 3 février 2008 et à l’éruption du volcan Nyiragongo en janvier 2002. Leurs effets ont été dévastateurs et je prie Dieu que cela n’arrive plus surtout à Bukavu où les maisons poussent comme des champignons sans respecter les normes urbanistiques», explique à IPS, Thérèse Kachungu, une commerçante faisant la voie lacustre Bukavu-Goma par bateau, chaque semaine.
Pour sa part, Jean-Claude Kibala, vice-gouverneur de la province du Sud-Kivu, a affirmé à IPS : «J’ai peur de travailler dans mon bureau. Il y a une poutre qui pourrait tomber sur mes visiteurs et moi... Vous ne voyez pas les images de ce qui se passe en Haiti. Cela devrait nous interpeller à cesser avec ces constructions anarchiques».
Mais, comme dans un rêve prémonitoire, les experts avaient annoncé la catastrophe.
Dans un rapport sur l’activité volcanique dans le champ des volcans Nyiragongo et Nyamulagira daté du 28 mars 2009 et adressé au gouverneur de province du Nord-Kivu, le département de géophysique du Centre de recherche en sciences naturelles (CRSN/Lwiro) avait prévenu que depuis le mois de janvier 2009 à ce jour, les volcans Nyiragongo et Nyamulagira développent une activité volcanique particulière.
Concluant ce rapport au nom de tous les chercheurs et techniciens de recherche de L’Observatoire volcanologique de Goma, Dieudonné Wafula Mifundu, responsable scientifique de l’OVG et Célestin Kasereka Mahinda, chef du département de géophysique au CRSN observaient que compte tenu de l’activité séismique d’origine volcanique persistante dans le champ du volcan Nyamulagira, une éruption de ce volcan était imminente.
Les chercheurs ont insisté que dans le passé, une éruption de l’un de deux volcans pouvait entraîner celle de l’autre et que le volcan Nyiragongo était récemment dans une phase d’activité volcanique très intense.
Les chercheurs remarquent toutefois que compte tenu du niveau du lac de lave encore très bas dans le cratère du Nyiragongo, l’imminence d’une éruption de ce volcan n’est pas encore évidente. Néanmoins, ce niveau peut monter en un temps record comme c’était le cas en 1982 où il avait connu une ascension de 400 mètres en trois mois. Pendant ces trois mois, le Nyiragongo avait accumulé 70 millions de mètres cubes de lave dans son cratère, ajoutent les mêmes chercheurs.
Pour les 100 ans d’existence de Bukavu en 2010, la maire de la ville, Zita Kavungirwa, a soulevé encore, le 3 janvier devant des journalistes, la question des constructions anarchiques sur des sites interdits, qui pullulent dans la ville.
IPS