En séjour à Kinshasa dans le cadre des concertations entre le Gouvernement et les représentants des autorités coutumières de toutes les provinces sur l’érection des nouvelles entités décentralisées en RDC, le Grand Chef Coutumier du Sud-Kivu, Mwami Kabare Rugemaninzi il s’est prêté aux questions de la Prospérité pour faire sa lecture des questions proéminentes au Congo-Kinshasa. De l’insécurité à l’Est, en passant par les guerre à répétions et leurs causes dans le grand Kivu, la décentralisation, les cinq chantiers, Mwami Kabare Rugenianinzi il a démontré, par ses arguments et ses réponses, la maîtrise parfaite de la situation du pays. Découvrez, dans les lignes qui suivent, la profondeur des analyses d’un homme de terrain.
La Prospérité : Quelle est le but de votre séjour à Kinshasa ?
Mwami Kabare Rugemaninzi II : Nous sommes à Kinshasa dans le cadre des échanges des représentants des autorités coutumières de toutes les provinces avec les autorités nationales notamment le Premier Ministre, le Ministre de l’intérieur et celui de la Décentralisation, sur l’érection des nouvelles entités décentralisées en RDC. Nous examinons ensemble ce qui doit être à court, moyen et long terme.
Nous vous reconnaissons Grand Chef Coutumier des Bashi. une des grandes tribus dans le Kivu après les Nande. Votre province est secouée par les guerres interminables. Selon vous, quelles sont les raisons qui sont à la base de ces guerres à répétition dans cette partie du territoire national ?
Les minerais stratégiques. notamment le coltan, le niobium etc.. n’étaient pas connus à son temps du grand public. Seuls les initiés locaux et étrangers s’y intéressaient. Nos villageois creuseurs ou exploitants des minerais ne connaissaient que la cassitérite, le zinc, le diamant... et vendaient à moins cher aux initiés qui en ont fait leur monopole sans savoir que ces minerais étaient stratégiques et qui étaient achetés comme déchets. C’est ainsi que ces initiés nationaux et internationaux, ont résolu de nous imposer ces guerres à répétition pour mieux se servir « dans un état de guerre il n’y a pas de contrat à respecter ».
Et, dans votre espace terrien, on y trouve aussi ces minerais, si oui comment sont ils exploités ?
Tous ces minerais y ont été découverts ; mais nous avons prié à nos populations de privilégier l’agriculture, l’élevage et la pêche.
Pouvez vous affirmer que les guerres dans le Nord et Sud Kivu sont des guerres de minerais ?
Observé sur le plan économique oui ; au-delà de la guerre des minerais, cette guerre n’est elle pas aussi politique ? Est-ce qu’elle ne vise pas la balkanisation de notre pays ?
En invoquant la balkanisation est- ce que le découpage n’est-il pas une solution à cette situation ?
Le découpage de notre pays favorisera la fragilisation de l’Etat. La frustration gagnera plusieurs entités. Puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets ; l’histoire de la République Démocratique du Congo nous indique que la constitution de Luluabourg avait favorisé la création des provincettes. Les frustrations qui s’en ont suivi ont conduit le pays à la rébellion avec comme point de chute le coup d’Etat militaire de 1965.
Encore une fois, la Constitution du 18 Février 2006 a prévu 25 provinces, la communauté internationale a promis d’appuyer cette opération avec des moyens conséquents pour notamment la construction des infrastructures, la formation des ressources humaines devant gérer ces entités décentralisées afin d’éviter les erreurs du passé.
Dommage, trois ans après, rien de concret dans ce sens. Monsieur le journaliste, quand ce découpage sera effectif, des revendications des droits subjectifs de la part de ceux qui veulent se reconnaître appartenir à telle ou telle autre province veulent se bousculer. Ces revendications peuvent facilement mettre en péril les intérêts de certains compatriotes qui se retrouveront étranger sur le sol qui les a vu grandir où ils ont passé toute leur vie. Ne perdez pas de vue les revendications de BDK qui n’en sont qu’une illustration. Le pays doit éviter de revoir à la hausse la liste de mouvements insurrectionnels.
Vous êtes les représentants coutumiers des populations de la RDC; est-ce que la démocratie tant recherchée par le peuple est-elle effective jusque dans le Congo profond ?
Je pense que le jeu politique dans notre pays est en train de s’affirmer petit à petit. L’opposition doit assurer son rôle de contre poids. La majorité qui gouverne doit tenir compte, dans son programme des actions à exécuter, des éventuelles revendications de l’opposition. Sans cela, la démocratie ne devra que patiner. D’autre part, cette majorité doit faire preuve de réalisme et d’équité non seulement vis-à-vis de l’opposition, mais aussi de ses alliés.
Nous nous approchons des échéances électorales de 2011. Y a-t-il à redire sur la popularité du Chef de l’Etat dans cette partie du territoire considérée comme étant son fief électoral ?
L’insécurité au Nord et Sud Kivu menace la côte de popularité du Chef de l’Etat. La solde des militaires aux fronts, arrive irrégulièrement aux hommes de troupes, l’opération Kimia qui a anéantie les concentrations des éléments des FDLR a, par contre, augmenté leur capacité de nuisance en les dispersant. A ces problèmes s’ajoute le mécontentement des éléments du CNDP et autres groupes qui semblent ne pas se retrouver dans les accords signés avec le gouvernement. La population paie par les actes de vandalismes commis par toutes ces unités fortement mécontentes.
Pas plus tard que ce dimanche 6 décembre 2009 à 2 heures du matin, un prêtre a été tué par des éléments non identifiés dans sa paroisse à Kabare.
La visibilité des travaux des 5 chantiers varie entre 25 et 30 %, la dégradation totale du pouvoir d’achat de la population, autant des aspects négatifs qui exigent que le Chef de l’Etat recharge ses batteries par l’application stricte de l’opération tolérance zéro et, à en croire le vœu de la population, que la solde des militaires ainsi que le salaire des fonctionnaires soient régulièrement payé et à temps.
Avec toutes ces tracasseries; comment les élections locales se tiendront en 2010 et générales en 2011?
Nous saurons vous répondre après la révision du fichier électoral qui cause encore problème.
Personnellement, je ne crois pas aux élections locales en 2010 et aux élections générales en 2011. Au Sud-Kivu, la question des FDLR, des réfugiés et celle des déplacés constituent des préalables sérieux pour ces élections. Les moyens financiers promis par la communauté internationale pour soutenir la paix se font toujours attendre.
Dernièrement, pour pallier les problèmes financiers, le gouvernement a envisagé la vente de la nouvelle carte d’identité pour financer les élections locales. Pour ma part, cette opération, au cas où elle ne sera pas entachée d’irrégularités, le temps qu’elle prendra ira au-delà de la date prévue.
Terminons avec l’évolution des 5 Chantiers au Sud- Kivu.
La pression de la communauté internationale pour la révisitation des contrats chinois, a sensiblement réduit le rythme de travaux des 5 chantiers sur le terrain. On croirait que les chinois n’ont pas digéré la révision des contrats.
Mwin KomboTshiwong/ La Porspérité