USA et alliés Le retour des zombies

22 Septembre 2010

LA RESURRECTION DES GLADIATEURS

Pendant que des activistes de la Majorité se réunissaient pour réorganiser l’espace politique, des oubliés et autres disparus de l’opposition se concertaient de leur côté pour refaire surface sur l’arène politique. Ils sont venus, chacun avec son parti-malette, porter sur les fonds baptismaux une plateforme dénommée Union Sacrée pour l’Alternance (USA).

Il s’est agi de personnalités ayant écumé la scène politique depuis bien avant la fin du siècle dernier et qui refusent autant de prendre une retraite tranquille que de s’avouer vaincus par les ténors de l’AMP et leurs succédanés du CLP.

Le CLP et leurs alliés avaient annoncé l’émiettement de l’AMP dans le cadre d’une conspiration contre le PPRD. L’USA ouvre la voie à des alliances visant à descendre de leur piédestal le MLC et ses alliés de l’Union pour la Nation (UN).

Qui sont les promoteurs de cette fronde au sein de l’opposition ? Quels sont les itinéraires suivis et les bifurcations empruntées ?

LES HOMMES

ANZULUNI Bembe Isilonyonyi

Né à Mukera, le 25 février 1943. Originaire du territoire de Fizi (Sud-Kivu). Etudes primaires à Bujumbura. Etudes secondaires à l’Athénée d’Ibanda (à Bukavu). Licence en Sciences commerciales à Lovanium/Kinshasa. Travaille à Air-Zaïre. Commissaire aux comptes à la CNECI. Conseiller au Cabinet du Premier Commissaire d’Etat.

Elu Commissaire du peuple en 1982. Vice-Président, puis Président du Conseil Législatif, en succession à feu KALUME Mwana Kahambwe. Membre du Comité Central du MPR.

Vice-Président du Bureau du HCR-PT.

Il a toujours eu une obsession quasi pathologique de la présence des Banyarwanda en RDC et croit, dur comme fer, au retour vers les collines peu fertiles du Rwanda des Banyamulenge accoutumés aux hauts plateaux verdoyants qui surplombent Uvira.

Son cheval de bataille, c’est aussi la restauration du leadership du Sud-Sud kivutien sur les Bashi et autres Warega.

N’ayant pu accepter de faire allégeance à Mzee, il a reporté sur son successeur les frustrations endurées depuis son éloignement de la sphère du pouvoir et des honneurs.

MULANGALA Lwakabwanga Médard

Né le 17 janvier 1957 à Kananga. Originaire du Territoire de Demba (Kasaï Occidental).

Licence en Sciences commerciales et financières (ICHEC/Bruxelles).

Cadre à la Citibank. Participe aux travaux de la CNS dans la composante Partis politiques. Plusieurs fois Ministre (Portefeuille, Mines, Energie, Hydrocarbures, Petites et moyennes entreprises, artisanat). Député sous la transition.

Lorsque commence la Guerre des traîtres, en 1998, il rejoint le RCD.

Fondateur de l’Union pour la Majorité Républicaine (UMR)

Il avait certes juré sa loyauté à l’UDPS et promis toute sa fidélité au RCD ; mais le divorce étant prévu au Code de la famille, fût-elle politique, il s’en est allé vers des amours interdites avec des mobutistes invétérés et d’intraitables alliés au MLC.

LISANGA Bonganga Jean-Pierre

Né à Bongandanga, le 28 février 1965. Originaire du territoire de

Licence en Psychologie à l’Université de Kisangani.

Membre du MPR fait-privé, puis co-fondateur des Forces Novatrices pour l’Union et la Solidarité (FONUS) avec OLENGANKOY.

Participe aux travaux de la CNS dans la plate-forme USORAL.

Député sous la transition. Membre de la plate-forme de Cléophas KAMITATU, en concurrence avec celle de Arthur Z’AHIDI Ngoma. Député sur la liste de l’opposition non armée, quota FPC.

Fondateur du CCD, allié au MLC dans le cadre de l’UN. Elu député dans la ville de Kinshasa.

Au sortir de l’Université à 30 ans, il n’a d’autre opportunité d’emploi que dans le champ de l’activisme politique. Et pour mieux se vendre auprès des mobutistes, il s’associe à Olengankoy pour lancer le FONUS, en tant que agent intermédiaire entre Mobutu et Tshisekedi.

Lorsque sonne l’heure des partages des postes à Sun City, il se désolidarise de Arthur Z’ahidi Ngoma pour s’associer à un maître des entourloupettes politiques, Cléophas KAMITATU, d’indélébile mémoire. Entre Arthur, gentil avec le camp de KABILA, et Cléophas, gentil avec le camp BEMBA, il fallait faire meilleure figure d’opposant en s’opposant à l’opposant non armé.

DIOMI Ndongola Nzomambu Eugène

Né à Sonabata, le 24 décembre 1960. Originaire du Territoire de Madimba (Bas-Congo). Licence en langue italienne et histoire contemporaine (Université de Pérouse/Italie).

Participe aux travaux de la CNS. Crée un parti dénommé Démocratie chrétienne (DC).

Entre au Gouvernement Birindwa (un ancien d’Italie). Siège au HCR-PT. Retrouve le fauteuil ministériel dans l’éphémère Gouvernement du Général LIKULIA.

A l’avènement de l’AFDL, il initie le Front pour la Survie de la Démocratie (FSD). Son parti se réclame de l’opposition non armée.

Participe au Dialogue Intercongolais. Rentre au Gouvernement, mais il en sera chassé pour être remplacé par INGELE Ifoto.

Il est candidat très malheureux à l’élection présidentielle de 2006.

Opposant tout en exerçant le pouvoir avec Birindwa contre l’intransigeance de Tshisekedi ; puis opposant tout en exerçant le pouvoir sous le 1+4, il rêve de la réédition des négociations politiques qui permettront de nouveau à des opposants autoproclamés de recouvrer les portefeuilles ministériels.

BADIBANGI Anu Webe Christian

Né à Kolwezi, le 30 janvier 1953. Originaire du Territoire de …

Etudes d’arts plastiques et Architecture d’Intérieur.

Fondateur de l’Union Socialiste Zaïroise (USZ), qui deviendra Union Socialiste Congolaise (USC). Participe aux travaux de la CNS, dans la composante partis politiques.

Membre du Gouvernement Tshisekedi. Membre du HCR-PT jusqu’à son exclusion pour double nationalité.

Thuriféraire de Tshisekedi, ….

BADIENGILA Ne Muanda Nsemi Zacharie

Zacharie Nsemi Badiengila Bazola, alias Ne Muanda Semi, est né à Kindulu, le 23 Août 1945. Originaire du Territoire de Luozi (Bas-Congo).

Etudes primaires à la mission protestante de Kingoyi. Etudes secondaires, section scientifique à l’Athénée de Ngiri-Ngiri. Candidature en Chimie à Lovanium.

Professeur de sciences à l’Institut Luila dans le Bas-Congo. Fonctionnaire au Ministère des Travaux publics. De nouveau professeur de sciences au Collège adventiste de Kinshasa. Technicien chimiste au service d’hématologie du Laboratoire de Médecine tropicale de Kinshasa. Affectation au service de réanimation de l’Hôpital Mama Yemo. Prestations médiocres.

Après avoir quitté l’Université, il a des visions. Il parle avec les ancêtres, qui le chargent de reconstituer le royaume et la culture kongo. Il se dit successeur de Kasa Vubu.

Il a eu plusieurs noms, sobriquets et pseudonymes. « Bazak », « Ne Muanda Nsemi » (Esprit créateur »), Maître de la sagesse kongo.

Il est connu pour ses revendications sans répit. Il s’attaque à Mobutu, à Lumumba, à Mzee Laurent-Désiré Kabila et à Joseph Kabila. Il se méfie des gens de l’Est, du Bandundu et de l’Equateur.

C’est un illuminé qui se sent persécuté et se méfie de toutes autres personnes, dans une sorte de paranoïa.

LE DESIR MIMETIQUE

On ne peut pas s’empêcher de noter cette tendance à imiter de manière presque morbide des sigles constituant pratiquement des marques déposées, quitte à le faire en verlan (argot du français à l’envers). RUBERWA et les artisans de la Guerre des Traîtres (de 1998) s’étaient illustrés par un renversement des initiales du nom de notre pays avec leur parti dénommé le RCD, pour faire des confusions et provoquer des lapsus avec la RDC. Les adeptes du scorpion du MLC, faisant fi de l’interdiction d’utiliser les sigles de l’ONU, s’étaient affublés des initiales UN pour désigner leur alliance électorale à la veille du second tour de la présidentielle (Union pour la Nation et non United Nations).

Aujourd’hui, des opposants qui ne s’opposent à rien ont décidé de créer une plateforme en jouant sur l’acronyme USA (Union Sacrée pour l’Alternance) en concurrence et confusion directe avec les USA (United States of America). Le jeu spéculaire de l’imitation va plus loin : l’Union Sacrée, ce fut une plateforme des temps maudits de la CNS. C’était alors l’USORAL (Union Sacrée de l’Opposition Radicale et Alliés).

Comprendre cette manifestation des rivalités politiques à travers un jeu de miroirs est très révélateur.

La multiplication des partis alimentaires durant la CNS fut préjudiciable tant à la mouvance présidentielle qu’à l’UDPS. Elle donna d’ailleurs naissance à la troisième voie, qui ne permit guère au pays de sortir de la crise de légitimité. De même l’AMP et l’UN ont permis de rasséréner le climat au sein d’une classe politique qui tenait à la réédition du système de partage équitable et équilibré des postes et charges étatiques, elles ont sucé le PPRD et le MLC.

Trahi par les infidélités récurrentes du MSR et la déloyauté permanente d’autres membres de l’AMP, le PPRD s’était résolu à resserrer ses rangs autour de son chef de parti. Délaissé par une opposition qui se décline sous la forme d’un Ordre, fût-il celui des Démocrates et Républicains ou encore celui des Démocrates Chrétiens, le MLC a annoncé qu’il n’était plus membre d’aucune plateforme politique.

Le financement des élections

Les partis d’envergure modeste, à l’instar des jeunes filles nubiles du Swaziland, font des clins d’oeil et font la moue. Ils menacent les grandes formations de chantage lors du vote de la loi électorale. Le vrai enjeu, c’est le financement des élections.

Le candidat à la présidentielle est censé faire feu de tout bois, financer indistinctement tout éventuel rabatteur de voix, rassurer les grands électeurs. Car, on ne sait jamais. Dès lors, les rivaux se regardent en chien de faïence, s’observent, s’admirent, s’imitent et se copient.

Tout comme le CLP et ses alliés, l’USA et ses alliés développent une peur intense d’être abandonnés par le futur gagnant. La rivalité qui s’instaure alors vis-à-vis du parti dominant, qu’il s’agisse du PPRD ou du MLC, est suceptible de déboucher sur un cycle de violence mimétique. Un peu à l’instar des enfants qui se disputent des jouets semblables en quantité suffisante. Là, la convergence des désirs fait que l’objet du désir se transforme en obstacle. On envie le PPRD et le MLC, on veut prendre leur position dominante, on veut leur ressembler ; ils deviennent alors des obstacles à la satisfaction de son désir de puissance.

Plus rien ne rassurera le MSR, le CLP, l’USA. Quoi qu’ils puissent obtenir en termes d’avantages ou de privilèges politiques et financiers, ils ne renonceront à la lutte contre le PPRD et le MLC que s’ils trouvaient une victime émissaire. Sera-ce le PALU pour l’AMP ou l’UDPS pour l’opposition ? Qui vivra verra.

Me MUNGUSU NTOLA

Analyste politique