Libye Italie, un partenariat décomplexé

Berlusconi et Kadhafi à Sirte, le 2 mars 2009

Juin 2009 une photo d’archive provocatrice épinglée à la poitrine

kadhafi berlusconi 2009

Novembre 2009 à Rome

Mouammar Kaddafi et le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini le 29 août.

Kaddafi et le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini

Sans doute les Européens ne retiendront-ils de la visite du Guide libyen en Italie, que ses déclarations tapageuses, du genre, l’Europe doit se convertir à l’Islam. Mais pour les Africains, ce séjour a un zeste de symbole. Cette visite intervient en effet dans le cadre du 2e anniversaire du traité d’amitié qui a beaucoup décrispé les relations entre les deux pays. Aux termes de ce traité, Tripoli devra, entre autres, empocher la coquette somme de 5 milliards de dollars à titre de compensation de plus de 3 décennies de colonisation (1911-1943). Bien sûr, l’Italie aussi tirera profit de l’embellie de ses relations commerciales avec la Libye.

Le Colonel dont on connaît la forte personnalité a su négocier pied à pied l’indemnisation de son pays par l’ancienne métropole et instaurer avec cette dernière un partenariat gagnant-gagnant. Voilà qui est de nature à provoquer à la fois joie et déception chez bien des d’Africains pris entre admiration de l’exemple libyen et peine de ne pas voir leurs dirigeants ressembler, sur ce point, au Guide libyen. Kadhafi fait preuve de bravoure, une bravoure qu’on ne saurait attendre des dirigeants des anciennes colonies françaises. Quelles sont les raisons du succès libyen ? D’aucuns diront que le Guide est parvenu à ses fins parce que son pays regorge de richesses avec lesquelles il parvient à tenir en respect les Occidentaux. Cela n’est pas faux. Mais cela n’est pas totalement vrai. Imaginons par exemple la République démocratique du Congo réclamer une compensation à la Belgique pour solder les comptes du passé. Imaginons le Gabon, la Côte d’Ivoire ou la Guinée exiger et obtenir un partenariat de ce genre avec la France en se prévalant de leurs énormes richesses dont le contrôle fait l’objet de tant de convoitises. Hélas, il faudra revenir à la dure réalité. C’est presque impensable. Certes, ces Etats sont énormément riches. Mais ils n’ont pas autant leur destin en main que la Libye.

C’est dire que les richesses de Kadhafi, notamment pétrolières, ne sont pas les seules raisons qui expliquent qu’il tienne tête à son ancien colonisateur et discute d’égal à égal avec lui. Au-delà des richesses, Kadhafi a une grande maîtrise de son pays. Il est parvenu à offrir à ses compatriotes de relatives bonnes conditions de vie. Il n’est lié, d’aucune façon, à son ancien colonisateur. Il y a aussi que la Libye n’a pas subi les influences du néocolonialisme comme bien d’autres Etats africains. Il n’y a donc aucun paternalisme entre le pays du Guide et celui de Berlusconi. Il est vrai que les circonstances historiques, comme la défaite de l’Italie lors de la Seconde Guerre mondiale, ont donné un coup de pouce à cet affranchissement. Mais, l’on sait aussi que cet Etat du désert a su rester ferme face aux influences des grandes puissances. Ce qui n’est pas le cas des anciennes colonies françaises d’Afrique.

Dans ces derniers Etats, après l’octroi des indépendances formelles, l’ancien colon est revenu sur la pointe des pieds, sans doute avec la bénédiction ou presque des dirigeants occupés à rivaliser d’ardeur pour être reçus à l’Elysée et être au chaud sous l’aile de la mère couveuse. Chacun veut recevoir l’onction de la France, être un pilier de la Françafrique. Avec cela, honneurs et glorioles à la pelle sont garantis. Peu importe si le pays a du mal à décoller, peu importe s’il doit écarter par tous les moyens ceux qui osent s’opposer à ce néocolonialisme. D’ailleurs, dans bien des cas, il se fera reélire par des simulacres d’élections.

Bref, beaucoup de dirigeants de l’espace francophone d’Afrique ont, à vrai dire, les mains liées. La souveraineté de leur pays n’est que factice. Comme illustration de ce manque de souveraineté, on pourrait se contenter de citer l’arrimage du franc de cette zone (le CFA) au Trésor français. Dans les relations humaines, il n’est pas trop osé d’affirmer que la personne qui contrôle votre poche ou votre caisse vous contrôle. Et ce ne sont pas vos simples dénégations qui suffiront à prouver le contraire. Cela prouve, si besoin en était encore, que le cordon ombilical est toujours là, bien solide. Au total, les gouvernants qui résistent au diktat des anciennes puissances coloniales sont ceux qui sont réellement indépendants. Ils acquièrent de ce fait, une certaine respectabilité, voire une respectabilité certaine. C’est le cas de la Libye qui a pu et su nouer avec son ancienne métropole, un partenariat décomplexé.

Le pays